Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

mardi 12 février 2013

Cheval vole comme arbre vole


Cheval vole
comme arbre
vole
comme parole
vole
oiseau sur cheval
rêve en vol
comme arbre
comme parole
comme caillou
volent
papier débris morceaux
même le front blessé
de la statue vole
et nous nous en allons
collage SD
cheval et rêve en vol
vers papier-nuage
vers caillou-feuille
avec arbre pré herbe
et de l'un à l'autre
fil de soleil et fil d'ombre
font des ponts
sans ciseaux
sans les mains
sans les pieds
avec caillou-nuage
avec feuille-papier
arbre-cheval en vol
et oiseaux oiseaux oiseaux


jeudi 7 février 2013

Avenue Bourguiba/Odessa/Montrouge



Sont trois
hommes morts
Sont deux
animaux morts

Je suis allée chez un tueur
et je suis revenue avec eux
2 morts dans un grand sac

l’un était né en 1974 à Odessa (Texas)
l’autre en 1926 à Montrouge (France)
sur le journal on ne voit pas la photo des deux bêtes
que j’ai apportées aujourd’hui chez le tueur de poules


sur le journal le plus jeune avec une arme
en treillis et lunettes noires béret et jambes
écartées
le deuxième pas de photo l’inventeur souriant
le premier rien inventé beaucoup tué 255
pour sauver l’amérique
le guerrier mort à presque quarante ans sur un stand de tir
récréatif
d’une rafale de pistolet semi-automatique le 2 février
par un jeune soldat d’Irak qu’il entraînait
à jouer
les rafales du vent ne les réveilleront plus la nuit
ni les uns ni les autres
le troisième non plus
l’inventeur mort à Villejuif à quatre-vingt-six ans
n’allait pas à la chasse aux biches ni aux oiseaux
faisait voler un cerf créait une couronne sans être roi
je ne sais pas pourquoi il n’y a pas sa photo
ni celle du troisième
la feuille ira au feu

mais le troisième mort marche encore sur l’avenue

mercredi 6 février 2013

Tunisie et Poésie


Tunisie/poésie

Est-ce que la beauté peut apaiser la colère ?
Cette nuit j’ai remarqué que Tunisie se termine comme poésie, en français.
Oui, et alors ?
Elucubration insomniaque.

La Marsa, janvier 2009

Je ne crois pas que la poésie puisse dire ce que nous avons ressenti hier, quand la mort de Chokri Belaid a été annoncée.
Je ne sais pas dire/écrire/ les sentiments qui m’ont traversée durant la journée.
Et encore ce matin.
Pourtant dehors le matin s’est levé, glacial et rose.
Annonçant le mistral.

Voir ou ne pas voir le Mont Ventoux de sa fenêtre.

Depuis plusieurs jours le vent.

Froid, violent et là-haut, la neige.

A presque 2000 mètres.

Celle dont je rêve, rose et légère au coucher de soleil.

Frissonnante du pas des chevreuils.
De la fenêtre, vent, feuilles en valse, cyprès secoués et l'arbre mort, celui que le voisin irascible a tué.

Mais pas le Mont Ventoux, royal et enneigé, à qui nous tournons le dos.

A un moment de la route que je prends pour revenir à la maison, il surgit, impeccable de blancheur, là-bas, pas très loin en réalité, mais inaccessible.
Fouji Yama du sud, isolé et élégant comme jamais.
Il se tient entre la plaine et la colline et disparaît dès que j'approche de la maison.

Depuis ma fenêtre je ne vois qu’un bout de colline, un toit et de la terre labourée. Quelques arbres et au loin là-bas, la Tunisie. Lorsque l’avion vire, la mer éblouit.
Et les rochers. Quelques îlots. Et puis Tunis.

Algérie, Tunisie.
Deux pays qui sont au cœur.
Alger depuis Marseille. Zohra perdue, jamais revue.
Comme notre jeunesse. Perdue ?
Alors que vient faire la poésie là-dedans ?
Heureusement elle existe comme le Ventoux.
Comme la Tunisie et les îles de Kerkennah.
Se bornant tendrement à finir comme elle, bordée par la mer.



lundi 4 février 2013

Tire à ta fin chasseur du matin: ça ça ça ça!

Tout se tire.
Tire à la traîne, ciel de traîne.
Traîne à la main, la reine.
Traîne pas tes pieds.
Tire à ta fin, chasseur du matin.
Arriver à finir.

Oui, ça va finir, il faut que ça s'arrête: parodie d'un texte becketien
qui reste là, en travers de la table.
Arête de gorge.
Arête de falaise devant Marseille : on y revient.
Blanches falaises de calcaire sur mer bleue: couleurs de la ville et de l'OM.
Ne pas oublier que cette ville est blanche et bleue.

Si peu à faire pour arrêter que ça en devient.
On ne sait pas ce que ça produit, un arrêt comme ça, peu de choses.
Alors on hésite et évidemment, obsession oblige, ça se poursuit.
Je poursuit ça. ça me poursuit. on ne s'en sort pas.
Et bientôt le mois de mai.

Avant, il y a mars.
Mois des fous, ça va pour moi.
Reine de Rennes? Pas moi.
Dépit amoureux?
Pas le temps.
Quoi faire de tout ce fatras de ça de si de là.
On ne sait pas.
Alors ça s'affaire à en faire des tas, par ci par là.
Tas de verbes, tas de merdes, tas de tout.
Tatou: animal aimé de ma mère.
Tatoué: je sui un animal tatoué ce matin par le vent immobile.


Pour ne pas arrêter tout est bon: même une forme de tétanie qui affecterait le langage.
En l'obligeant à bégayer toujours la même syllabe: ça ça ça ça. On peut entendre aussi: sa sa sa sa.
Ca dépend de qui comment où on écoute.
Oui?
Ca quoi?
Ca s'arrête?
Mais non.
Un enfant et son ballon de foot qui dit ça me plaît la Pologne mais je n'y suis jamais allé c'est ma grand-mère ça suffit pour poursuivre une manie matinale. Ensuite on taille dans le désordre des papiers et en sort une Dulle Griet plus vraie que la dame du tableau de Smouroute et on reste cloué à la regarder.
Comme ça.
A nouveau les ex-votos.
Comme ça ça n'arrêtera pas aujourd'hui.
Nous ne sommes que le 4 février.
Qu'allons-nous faire de tout ce ça en trop?





dimanche 3 février 2013

tout le matin s'ouvre devant ce si peu: partir brouter au Tibet

"Partez brouter au Tibet"
F.Venaille

ce si peu que je suis
ce si grand que j'ignore
devant le vent devant
à compter ses poings
maille à maille défaite

au pré un homme en secret

ce si peu du matin vent fort
arbres en tempête ce si vif
à la fois cavalier et cheval
à la fois avion et passager
ce si peu que je suis le sait

ce si peu le voit cet homme

cheval tempête ce si doux
qui lèche mes doigts de pied
et l'herbe et le sel des routes
animal de si peu de si grand
sous sa peau l'écume le sang

homme qui cherche ce peu
je le vois en secret lui qui
mais lui ne voit que le peu
qu'il cherche au creux du sol
et le vent est autour de nous

ce si peu que je suis ignore ce que c'est ce qu'il cherche l'homme du vent debout là planté dans la terre
et ce qu'il est et ce que je sais ignorent ce que je creuse dans l'air de la page aussi troué par le vacarme
du vent que la fenêtre la bouche les mains et les jambes qu'elles soient dedans ou dehors dans le champ