Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

jeudi 3 janvier 2013

Le dernier détective sauvage: Dino Campana

La nuit a été traversée par un vent violent dont on nous annonce qu'il soufflera à cent à l'heure dès ce soir. Vent détesté, vent adoré.
Prétexte tout trouvé pour ne pas sortir et rester derrière la fenêtre, dans la pièce inondée de lumière.
Vent violent, bruyant, insupportable.
Rien à voir cependant avec le cyclone de La Réunion qui a failli emporter l'ami Belleveaux.

Il y a des nostalgies de toute sorte.
Celle qui me ramène vers Cancale, la couleur de la mer et celle des huîtres, là-bas sur cette plage écartée, blanche de coquilles jetées par des consommateurs gourmands et pressés.
Il y  a la nostalgie de ce qu'on ignore et qu'on ignorera toujours , par exemple ce que ça fait d'être né en Bretagne, au Chili ou au Portugal. On ne le saura jamais.
On dira: tu es née quelque part, pourtant! Et Marseille n'est pas n'importe quelle ville. Marseille bleue et dorée, tout de même!
Ma nostalgie se nourrit d'une Marseille invisible à ses habitants et à moi-même.
Et dans nostalgie, je retrouve tout naturellement Algérie.
Encore une fois nostalgie marine.
Et Bolano: quand saurai-je faire une tilde sur son nom? Mémoire trouée.
Face aux plus jeunes parfois, on se dit, c'est fini, et à sentir ainsi quelques noms s'envoler au moment où on voulait les nommer, on se tait. On laisse place. Et puis s'enflamme à nouveau le vent, et à sa suite, le désir de dévorer une fois encore le monde et ses pages. Pas seulement le journal!
Un peu de colère d'ailleurs à voir célébrer toujours une certaine forme de réussite, un certain type de gens. Mais qu'importe, ce matin, c'est Bolano qui revient. Je lis ce texte, ma fatigue devient joyeuse.

DINO CAMPANA RÉVISE SA BIOGRAPHIE
DANS L'ASILE D'ALIÉNÉS DE CASTELPULCI

J'étais doué pour la chimie, la chimie pure.
Mais j'ai préféré être un vagabond.
J'ai vu l'amour de ma mère dans les tempêtes de la planète.
J'ai vu des yeux sans corps, des yeux sans poids orbitant autour de mon lit.
On disait que dans ma tête ça ne tournait pas rond.
J'ai pris des trains et des bateaux, j'ai parcouru la terre des justes
aux heures les plus matinales et avec les gens les plus humbles:
des Gitans ou des forains.
Je me réveillais tôt ou je ne dormais pas.
(...)

A poursuivre dans Les chiens romantiques, Bourgois éditeur.

Grâce à Bolano, je suis allée à Blanès où personne ne va, à part son ombre neigeuse.


Et je suis devenue, un temps, le dernier détective sauvage de Bretagne.


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