Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

samedi 5 janvier 2013

Armand Robin: "Par sympathie pour ces millions et millions de victimes, la langue russe devint ma langue natale."

sommes-nous d'ailleurs capables d'être ce que nous sommes,
nous qui n'avions qu'à peine commencé, et comment continuer
dans ce nous d'un je mal établi, d'un je qui se tue, je ne vois pas
à l'instant au nom de qui je pourrais parler d'un nous qui ferait
qu'un autre que moi serait pareil
Ludovic Degroote, Monologue, édition Champvallon

Parfois c'est facile de commencer.
Comme la pie sur la terrasse tout à l'heure, ça se pose, sur la page, là, simplement.
Comme elle, aux plumes brillantes, noires et vertes, la première phrase vient.
Et puis rien.
Et puis tout.
Akhamatova dans son poème La Muse :
"Puis, pendant toute une année, rien, non, rien."

Alors on lit, on rêve de Mongolie, de Portugal et surtout de Suisse.
(Christian Garcin y rencontre Robert Walser et l'artiste portuguaise Carla Filipe)
On se dit que c'est imbécile de rêver comme ça, des heures durant, la nuit, le jour.
On brode aussi.
On espère, c'est-à-dire on attend.
Les livres autour de soi font une douce forteresse: s'y croisent le Transsibérien avec Armand Robin, Blanès et Bolano avec Cadaquès. Bien d'autres lieux évidemment.  Bien d'autres poètes.
On retient son souffle.
Là-haut, en Bretagne, on se dit. La mer, oui, la mer. Comme celle que je connais au cap Creus ou à Marseille, depuis la calanque de Gignac. 
Et le granit et le calcaire, et le bleu comme le vert.


Se construit pour chacun/chacune une lande imaginaire (terre/patrie portative?) où poser ses pas de promeneur immobile.
Sans doute la force de la poésie, de la lecture aussi.
Impression d'enfiler des perles. Une idée: des bonzoms emperlés. Pourquoi pas?
Et Rotheneuf dont on me dit que je pourrais y accéder par la mer.
Amour des singeries? des pitreries? L'abbé Fourré faisait ce qu'il pouvait pour repousser le plus loin possible la disparition. Et pourtant avait dieu sur l'épaule. Du moins le croyait-on, du moins, le croyait-il, qui sait?
Dans le très beau livre de Degroote, ce qui frappe, c'est l'impuissance à dire la douleur, la faiblesse de l'humain et pourtant l'émotion, la vie sont là avec cette lancinante question de la disparition. Ludovic Degroote dit cette impuissance et elle seule est juste. Nous sommes vivants et nous lisons la mort. Et le scandale de cette mort, ici la soeur du poète, rien ne peut l'effacer. Ni nous en consoler.

On retrouve Rilke et sa question qui n'en est pas une :
"Qu'est-ce qui me serait plus inutile à la fin qu'une vie consolée?"
Mais nous restent la violence de vivre, la violence du monde, la vigueur des forêts et de la mer.
Et nous, silencieux et fragiles.
Mais pas toujours.
Alors sur la table ou sur le lit, nous accompagnent Armand Robin, Ludovic Degroote, James Sacré, Christian Garcin et quelques autres comme l'ami Robert Walser. "Ami de tous les vivants", disait Mandelstam.

(D'Armand Robin, lire entre autres la poésie bien entendu (nrf Gallimard), mais aussi La fausse parole Gallimard et ensuite le Temps qu'il fait ed.)





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