Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

vendredi 16 novembre 2012

Trois crânes d'Aaron Clarke sont arrivés canal St Martin

Hier.
Et il sont là.
Posés comme oiseaux sur le fil.
Fil du temps.
Mon père a dans l'arbre doucement remué.
Merle a sifflé.
Ma mère est morte depuis un an aujourd'hui.
Anna, son arrière-petite-fille a 8 ans aujourd'hui.
Trois crânes sont venus.
père et mère


Au lycée ce matin en ai montré un aux jeunes.
Vanité. 
Ai raconté mon père dans l'arbre du matin.
Peut-être pour dire combien certains morts sont vivants.
Pour sourire aussi de la peur, celle qu'on a devant les morts.
Souvenir d'un poème de Guillevic parlant des morts, de leur timidité.
Lu aussi  la liste (assez brève au fond) des femmes déportées au camp de triage de Douadic.
Me l'avaient demandé, les lycéens, de la lire pour entendre le rythme.
Quelle légitimité pour écrire ces noms ou l'absence des noms.
Tentative un rien maladroite d'expliquer la nécessité de dire ces noms.

Puis les trois crânes.
Immédiatement mis ensemble et reliés par le mot de famille.
Nous étions trois, puis deux, puis une seule.
Leur ai lu ce passage qui évoque le départ de mon père de la maison.
Nous retrouvant deux, la mère, l'enfant.
Mon père, roi des luna-parks et de la barbe-à-papa.
Le voyageur de peinture.
Celui qui agite les arbres pour faire rire sa fille et lui raconte qu'à Orange poussent des oranges et qui n'hésite pas à maquiller un figuier en oranger!
Il me donne la clé des noms comme d'autres, celle des champs.
Mais aussi la mer.

Ma mère survole les eaux du canal et soupire, ce qui produit sur l'eau de légères irisations.
Elle en peut s'empêcher de voler, de courir, de bouger en tous sens.
Elle, la nageuse.
Ma mère sur l'eau.
Mon père dans l'arbre.

Nous vivons ensemble de ça.
Mouvements divers. Agitation du bébé dans les branches (Hélène Sanguinetti) .
Dettes amicales.
Emprunts qu'il n'est pas nécessaire de rendre au taux en vigueur.

J'ai dit: nous sommes aujourd'hui à J-5.
Que ferons-nous du 21 novembre?

Père dans l'arbre
Mère sur l'eau
à se disputer
un peu de langue

ce qu'il en reste

A rajouter à l'heimatlos pour lui donner un peu de corps, un peu d'espace.
Sans patrie entouré d'amis
danse même la nuit
quand il a peur!


bonzoms de Beauséjour



Et comme lui, comme la pénélope du soir, tisser de nouveaux bonzoms!


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