Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

samedi 17 novembre 2012

Papiers trouvés/décollés

Ce matin, il pleuviote doucement.
Joie petite de la douceur.
Odeurs parfumées de la terre.
La brodeuse installée devant la pluie se fait rêveuse.

Elle rêve de ramasser des décombres. Alors son bonzom se fait oizo.
Le bleu lui fera des zailes.
En face, de l'autre côté du mur, au-delà de l'arbre paternel, les ruines de la menuiserie.
On ne peut y couper. On ne peut pas ne pas voir. Alors on regarde.
Hier deux garçons en bonnet rouge ont arpenté la menuiserie en ruines à la recherche de trésors.
Je les ai pris en photo. En vain. Que peut-on découvrir sur une photo qu'on ne verrait pas avec ses yeux?

Après les courses, et aperçu les chaussures envolées sur leur fil route de St Malo, j'ai décidé d'aller marcher sur les décombres. Pour voir, de loin, ma maison de poésie. Pour m'éloigner d'elle, un peu.
Pour apprendre d'elle ce que c'est, d'être loin. Un peu. A peine.
Avec, dans l'auto, tartes et gâteaux pour amies en visite tout à l'heure. Nourrir le rêve. Nourrir mon départ prochain.
C'est ce que je fais en parcourant l'espace encombré de décombres, pierres et poutrailles, blocs et débris. Ici le mot gravats a un sens. Et je gravis les gravats, joyeuse à l'idée d'une possible découverte.


Du papier! Rescapé des pluies et destructions: une facture où on parvient encore à lire quelques noms de grandes villes du travail: New York, Tokyo, Bruxelles, Milan, Nuremberg...J'espérais y lire Lisbonne. De la terre aussi, comme une volonté de barrer tout ce qu'évoque le papier rescapé d'un temps disparu. Les garçons entrevus hier ne l'ont pas ramassé. Et pour un temps, avant mon départ, il restera là, à se réchauffer sur le radiateur avant de rejoindre la poubelle...Qui sait si Smouroute lui-même n'en ferait pas un vêtement breton? Je me souviens de cette belle grande affiche déchirée à Lisbonne, bleue et si pleine de mots étranges, dont j'ai pu récupérer quelques morceaux arraché sà la palissade, qui sont maintenant dans un grand dessin smouroutien.


Dans les décombres, outre les pierres et gravats, il y a de grandes plaques colorées, que d'anonymes artistes de rues ont peintes. Un rêve de l'heimatlos: en ramener une ici pour en faire une table à écrire pour tous les heimatlos qui traversent cet endroit. Une sorte de table de mémoire du quartier St Martin.
Et il faut trouver un rosier pour célébrer la vie, Anne-Marie Albiach, Soutine, Roberto Bolano.






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