Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

dimanche 18 novembre 2012

La pudeur de la couleur rose: mettre à chef!

Cette couleur, c'est le poète Bernard Vargaftig qui me l'a donnée.
Déjà ma petite voulait que je la trouve belle.
Rose, disait-elle, si jolie.
Et je voyais ses joues brunes et ses yeux, et aucune couleur rose.



Elle aurait pu, petite, comme ces enfants dans les classes, me demander où je trouvais mes mots.
Elle n'en a aucun besoin, voisinant depuis sa naissance avec les jardins et les collines, la mer et les plages où elle et moi avons ramassé les débris et les couleurs dont nous avions besoin.

L'intérieur des coquillages, le matin sur Beauséjour, la rose Cuisse de nymphe émue, et voilà la roseur
de la rosée!

"Or  appelle et bêchevette la fille dans la mère...

et plus loin

Or appelle et nous bêchevette l'est dans l'ouest"

Une autre poète me donne ce mot, Nathalie Riou, mot malicieux pour lequel la couleur rose est celle choisie! Qu'elle en soit remerciée, celle qui me guée vers la mer.
.........

Aujourd'hui répétition de ce qu'est un départ. Petite valise à faire. Dentifrice et brosse à cheveux. Nuit ailleurs. Premier exil. Le heimatlos va retirer ses pieds englués de terre pour s'éloigner un peu, quitter la Bretagne nord pour la Bretagne sud. Il y avait eu Nantes. Mais c'était il y a si longtemps, au début de mon habitation. Je n'avais pas encore de patrie ici. Pourtant j'avais ressenti que Nantes ne serait pas une maison pour le heimatlos. Par contre Brest. Par contre au loin Ouessant. A cause de l'espace ouvert, peut-être. De la mer ici gentiment évoquée par l'eau du canal et son mouvement léger.

Un ami cher me dit qu'il sent mes mots se presser comme pour donner et prendre tout ce qui est possible avant le départ. Je regarde la chambre, la pièce où j'écris, mes chers décombres, le ciel rosissant comme peau de jeune fille, mon désordre aussi, les bonzoms au mur, mon père l'arbre, ce matin, immobile comme s'il refusait de me sourire aujourd'hui, la place de mon corps dans le lit et le heimatlos est déjà en partance. Son emploi du temps ici, aussi peu réglé qu'il soit, lui a donné une table à écrire, à broder, à dessiner. La-bas, dans le sud, il lui faudra tenter à nouveau de planter dans le vent la tente légère où il pourra étendre son corps et à la fois dormir et vivre.


La résidence s'achève vendredi, jour de vénus. Ce ne sera pas pour rien. Mercredi: jour de Mercure, nous lirons, Denis Hirson, Jacques Brémond, ensemble, sur un bateau, l'odyssée des heimatlos que sont les poètes. Tous les poètes. Les 14 précédents et nous trois. Dans trois jours.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire