Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

samedi 20 octobre 2012

Jardins ouvriers aux prairies Saint Martin

Aujourd'hui j'avais pris des décisions.
Traverser le canal déjà. Voir la maison de l'autre côté. Pour ça, j'avais emporté mon appareil photo.
Aventure minuscule qui fait partie du jeu. Etre ici et de l'autre côté. Ecrire avec la lumière.
Voir ce qui me fait face.
Et puis brusquement me retrouver en face d'autre chose.
En face aussi on détruit.
Comme du côté où je vis, la menuiserie ou les maisons anciennes.
Jardins ouvriers bien cachés aux maisons rouges.
Envie de jardiner un texte pour.
Pour?

Je ne rivaliserai ni avec Ivar Ch'vavar ni avec les jardiniers du quartier Saint Martin. Mais je m'étonne qu'il y a tant de banques dans la rue de St Malo côté canal et qu'on veuille détruire les jardins ouvriers des prairies St Martin.

D'autant que la nature est bien là, dorée et chantante, les merles et les geais y sont nombreux. Il y aussi des gens. En bottes car la terre est boueuse. Ils transportent des choses, en jettent d'autres. Ils me regardent approcher. On se  salue. Une fille qui fait des photos, qu'est-ce qu'elle cherche ici? Mais ils ont envie de parler et puis des promeneurs ici ce n'est pas rare, au contraire. Dans la nature, on aime se promener, dit l'un des hommes.
La nature, c'est aussi les jardins, me dit un jardinier. Les têtes pensantes, me dit un autre jardinier, ont pensé à notre place et elles ont décidé de transformer les jardins en parc. Un autre ajoute: avant de transformer le parc en immeubles et lotissements.

Alors ils enlèvent ce qu'ils peuvent des jardins, les rosiers par exemple qui se transplantent bien. Et on s'étonne ensemble de ces décisions qui éloignent les gens de leurs jardins ouvriers. Qui les éloignent tout simplement.
Du côté où je suis aussi, on détruit, on déblaie, on exproprie.
Table rase.
Pas de place pour le petit pavillon et son jardinet rempli de roses.
Pas moderne. Vieillot, disent les technocrates. Alors on laisse une jardinière à la place du jardin effacé.


Il faudrait sans doute en savoir plus. Interroger d'autres gens que les jardiniers expulsés. Je me demande toujours quand se construisent de nouveaux immeubles qui va les habiter. D'où vont venir les nouveaux habitants. est-ce que ce sont des mal logés? Ici ce n'est pas pour construire, me disent les jardiniers, non, c'est pour faire un parc, ce mot de parc, ça nous fait rigoler; ceux qui veulent se promener ici, ils peuvent le faire!
Parc contre jardins?
Il y a à Rennes un parc somptueux: le Thabor au nom biblique, où j'ai aventuré quelques pas avant la pluie. C'était jeudi, je crois.
Un parc dans les prairies?
J'ai pu constater que se promener ici était un plaisir, comme marcher dans la forêt alors que la ville est là. Alors?
La friche doit être enrayée et civilisée. Il existe des plans pour occuper rationnellement les sols, on dit POS. Ici des jardins occupaient des hommes. Mais ce ne sera plus leur occupation dans peu de temps.

Ce matin, au lieu de me rendre à la laverie, j'ai obliqué vers les prairies et j'y ai découvert des jardins cachés dans la forêt et c'était heureux comme entrer dans la forêt d'enfance.

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