Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

vendredi 26 octobre 2012

Cuisse de nymphe émue au Thabor


tu dansais en plein milieu du lac 
tu riais tant elle était belle cette fille 
ce souffle en toi les arbres  
.
Nous avons mis le canot à l'eau dans la nuit puissante. Nous passerions une autre belle journée ensemble au cœur de ton monde.


Cet extrait du semenoir de Maryse Hache pour mémoire. Depuis ce matin, obsédants, les mots cuisse de nymphe émue. Je suis allée regarder ce que dit Wikipédia à propos de cette étonnante expression. Wikipédia, ça n'étonnera personne sauf moi,  privilégie l'explication informatique. Cuisse de nymphe émue, est-il expliqué dans l'article, est une couleur qui, sous le nom de hot pink fait partie des couleurs nommées pour certains systèmes informatiques. En HTML, on peut utiliser la valeur pour l'attribut color. Wikipedia mentionne tout de même que le nom vient d'une variété de roses anciennes, Rosa Alba.

On comprendra que je préfère les roses, celles qu'aimait Maryse Hache.
Alors je suis partie au Thabor. Depuis plusieurs jours j'envisageais l'aventure en espérant le soleil. Un goéland m'y attendait. 



A la recherche des roses de la variété cuisse de nymphe. J'avais vu sur le plan qu'il existait un carré de rosiers anciens. 
Le matin, j'avais appris la mort de Maryse Hache. Poète et jardinière. Pour des raisons obscures,  si je l'ai lue, en particulier sur le blog de remue.net, je ne l'ai jamais entendue, et pourtant, j'aurais pu au marché de la Poésie la croiser et aller le soir l'écouter mais la hâte de rentrer me pressait. Comme si l'urgence venait de fuir Paris. Comme souvent. 

Le Thabor est un mont sacré en Israël et à Rennes, c'est un vaste parc magnifiquement ordonné et entretenu. Une sorte de Mont Analogue, c'était d'ailleurs le titre d'une exposition de photos que j'ai vue dans l'Orangerie. Et c'est le titre d'un livre de René Daumal. Mont Thabor comme Mont Analogue.
Les montagnes sont sauvages. Elles sont parfois désertes et pleines de rochers et de forêts. On s'y fraie un chemin avec difficulté. 
Mais ici aucune sauvagerie. Si ce n'est peut-être la taille prodigieuse de certains chênes et cèdres. Tout est policé et bien agencé. Un lieu de promenade et de découverte botanique.
Voilà qu'étant au Thabor, je suis à la recherche du rosier Cuisse de nymphe émue. Le jardinier à qui je pose la  question reste un peu dubitatif: il y a tant de rosiers ici, sagement étiquetés, bien alignés. Il me désigne les jolies allées. Rosiers pour des rois et rosiers pour des reines, pour des champions et des actrices. Pas de rosier Louis Guilloux dont je ramène de la place Ste Anne La confrontation. Pas de rosier Georges Perros non plus.
Il y a des rosiers Botticelli, Bagatelle, Carla, Caroline, Marylin, etc...Aucun rosier ne porte le nom d'un poète, pas plus mort que vif. Tout de même je découvre que Delbard en a créé un pour Barbara.

Quelques-uns portent de drôles de noms: Eclipse, Paix, Amour. Pas de rosier cuisse de nymphe émue. Il va falloir venir en planter un, en cachette et lui mettre une petite pancarte verte: rosier M.H. Ni vu ni connu. J'ai vu dans le jardin de la villa Beauséjour qu'il y avait de ces pancartes dont usent les jardiniers. Il faudra que j'en parle à Lionel. Nous pourrions à défaut du Thabor en planter un ici. Un rosier Cuisse de Nymphe émue. Avec les initiales qui parlent d'une femme poète.


Dans le parc, j'ai croisé un étrange enfant qui m'a dévisagé en me faisant des grimaces tandis que sa mère, derrière lui, en faisait également, mais pas à moi adressées, peut-être à lui, peut-être au mauvais sort qui accompagnait leur promenade. Il y avait aussi un drôle de bonhomme qui courait comme si ses bras étaient ses jambes et ses jambes, ses bras. Et un garçon planté sous un arbre gigantesque, la tête renversée pour mieux voir jusqu'où allait le sommet. A mon tour, je me suis glissée à l'intérieur d'un arbre doré pour y respirer l'odeur de la terre et des feuilles, l'odeur de l'automne. Pour moi odeur de vie.
Malgré les chrysanthèmes qui hantent déjà les boutiques des fleuristes en l'honneur des morts de la Toussaint. Ceux que j'ai plantés dans le jardin, chez moi, seront en fleur quand j'arriverai mardi.



Bientôt un an que ma mère. Bientôt ce sera l'anniversaire de la petite Anna. Bientôt un rosier sera planté.




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