Sylvie Durbec,
En résidence à la Maison de la Poésie de Rennes

jeudi 18 octobre 2012

Comment dire ce qui ne se peut dire, un seul mot très court...?

Plongée dans Rennes en auto.
Auto= voiture.
Mon père avait une auto.
J'en ai une à mon tour.
Garée près du Thabor.
Je progresse peu à peu dans le labyrinthe.
Ariane ma soeur, je cherche un peu de musique et découvre Klaus Nomi dans un bac.
Et me ressouviens de sa voix. Et de son interprétation de Purcell (Cold song).

Très approprié à la nouvelle que je viens de recevoir.
Nouvelle attendue mais dont il faut entendre les mots pour être sûr.
H. vient de mourir. C'était une mort attendue. Attendue? N'a-t-on pas espéré?
La langue vient à notre aide qui dit: contre toute attente.
La langue reste une drôle de machine. Un peu comme l'auto. On n'en fait pas ce qu'on veut.
Comme les mots.
Celui-là par exemple de patrie, allez en faire usage!

Hier j'avais acheté du fil bleu (Ariane encore!) pour la broderie et aujourd'hui je reviens avec la musique morte et vivante de Klaus Nomi et Django Reinhardt. Morts trop jeunes tous les deux.
Et je repense à ce curieux mot en trois syllabes: décédé, que je n'aime pas employer. Mort peut-être est trop court, trop vif dans sa brièveté pour dire la disparition.
La raison pour laquelle beaucoup usent de ce mot en trois syllabes.
Croit-on ralentir le temps?
Quand mon père est mort, lorsque je suis revenue en classe, je n'ai pas dit qu'il était décédé, mot absurde de faire-part et d'administration, me semblait-il.
Comme une de mes élèves m'annonçant, pour expliquer son retard, aujourd'hui mon père est mort.

Et puis j'ai acheté aussi du basilic et l'ai mis sur la fenêtre, celle qui regarde gravats et cimetière.
Repensé à la nouvelle de Boccace.
Dans le pot aucune tête cachée.
Même pas celle de la fontaine qui a disparu en ville. Ouest France en parlait ce matin et j'ai pu voir sa beauté disparue, volée, envolée.
Granit des magiciens vole!
Ai raconté à Gwenola que je lis et relis matin et soir le guide de la Bretagne.
Ne m'en lasse pas de parcourir cette terre de géants en rêve.
La mort de Segalen longtemps, je l'ai imaginée sous un chêne comme celui géant que j'ai vu au Thabor tout à l'heure.

Ai aussi acheté de la Chorba, la soupe de Zohra, mon amour d'adolescente dont je ne sais plus rien.
Et la dégusterai ce soir avec un peu de basilic et des pois chiches en hommage à mes morts.
Encore une fois, manger la mort!


1 commentaire:

  1. Dé-cédé. La vie! Dé lancé, jeté, trajectoire roulée. Hésitation puis - hasard, possibilités aléatoires. Un nombre - de tours? d'heures? Une chance de perdre... Ou de gagner?
    La vie. Dès que le dé est cédé, les jeux sont faits. Dé pipé.

    A moins que...

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